À table !

La recette de la Grande Transition est enfin connue.
Il s’agit d’un dessert !
Le fameux donut reliant les enjeux environnementaux et sociaux.

Une preuve irréfutable que transition ne rime pas avec privation ! Miam, miam.

Cette célèbre pâtisserie américaine de forme torique a inspiré l’économiste anglaise Kate Raworth pour symboliser sa théorie de la transition économique.

Ah bon ?
Oui, oui. Notre jolie pâtisserie se compose de deux limites à respecter :
Un seuil social pour éviter que la population ne se retrouve piégée dans le vide intérieur du donut.
Et un plafond environnemental pour éviter de dépasser par la surexploitation les ressources planétaires limitées, en respectant bien sûr les principes de la thermodynamique, très utiles aussi pour cuisiner.

Donut nature
Source : Oxfam

Toute la rédaction de LIVELY s’associe à ses recherches, pour vous garantir que ni les crêpes, ni les bagels, ni mêmes les beignets classiques ne peuvent être des recettes gagnantes pour la Grande Transition.

Vous semblez perplexe et attendez une démonstration méticuleuse ?
Vous avez bien raison.

Passons donc en cuisine.  
Et listons les ingrédients délicieusement durables.


Tout ce qu’il nous faut

Tout d’abord, pour respecter les limites planétaires, il nous faut des produits locaux, idéalement issus de productions raisonnées : 450 g de farine, 20 g de levure de boulanger fraîche, 8 cl d’eau tiède, 1 œuf (uniquement de poules détendues et élevées en plein air), 60 g de beurre, 1 pincée de sel, 15 cl de lait, huile de friture (tournesol, arachide etc.)

Et, pour respecter la justice sociale : des ingrédients issus des filières du commerce équitable (Kate et moi y tenons énormément. Nous avons tous les deux travaillé pour Oxfam. C’est d’ailleurs chez Oxfam qu’elle a conçu sa recette économique) : 50 g de sucre, une cuillère à soupe de jus de citron. Et pour le glaçage au chocolat : 100 g de chocolat ainsi que 2 cc de lait de coco.

Nous voilà prêts ! Sortons maintenant nos ustensiles.

La recette de Kate est définie selon 7 principes essentiels que nous allons vous faire découvrir.


Étape 1 : Repenser les ingrédients de notre économie

Laissez reposer les ressources mais attention…
Au lieu de rechercher une hausse constante du PIB, cherchons comment combiner équilibre et prospérité.
Le défi, c’est maintenant de créer des économies, de l’échelle locale à l’échelle globale, qui contribuent à positionner l’ensemble de l’humanité dans l’espace juste et sûr de notre donut.
Il est indispensable de s’éloigner de la culture du 20ème siècle focalisée sur un seul indicateur et d’aller vers une diversité d’indicateurs tels que proposés dans le donut.
Des pays tels que le Boutan ont déjà tenté l’aventure des indicateurs alternatifs, comme celui du bonheur.
Alors qu’attendons-nous pour penser autrement, ici en Europe ?


Étape 2 : Relier l’ensemble des ingrédients de notre vie terrestre

Versez maintenant tous les ingrédients dans un récipient (circulaire évidemment !) et observez les interactions…
Vous découvrirez que les dimensions humaines et planétaires sont mélangées, interconnectées au sein d’un système unique. Même si certains préfèrent tout couper en petits morceaux pour créer une illusion d’optique.

Tout est relié : d’une part, le non-respect des limites bio-capacitaires risque d’augmenter les difficultés d’accès aux ressources pour les plus fragilisés de notre société, et d’autre part, plusieurs études démontrent que les plus riches accélèrent, en raison de leurs modes de consommation effrénée, l’épuisement des ressources pourtant indispensables à la vie sur terre.

Kate parle de la nécessité d’une économie intégrée.
Pourrions-nous dire que cette économie devrait même être « réencastrée » dans les limites humaines et terrestres ?

Il s’agit de construire une économie au service de la vie et non l’inverse.
C’est pour cela que la gouvernance doit être organisée en incluant l’ensemble des acteurs afin d’éviter le marché ne prenne toutes les décisions de notre vie, y compris en définissant les secteurs qui seraient prioritaires et ceux qui ne le seraient pas…


Étape 3 : Cultiver la nature coopérative humaine

Couvrez d’un linge délicat un groupe d’humains venus d’horizons différents, patientez un peu (1 heure 30 environ) et observez l’alchimie qui se créé.  
Vous voyez ?
Nous sommes capables de réciprocité, d’empathie, de coopération, de sociabilité !

Ceci tant en période faste qu’en période de crise, car nous sommes bien plus que des homo economicus, des consommateurs effrénés et des investisseurs avides en travail et en capitaux.

Notre maîtresse cuisinière illustre ce 3ème principe avec plusieurs exemples dont celui des agriculteurs au Chiapas qui sont plus motivés à préserver les forêts sur le long terme par une planification collective basée sur les bienfaits de la forêt plutôt qu’en les dédommageant en espèces pour chaque arbre non coupé.


Étape 4 : Accepter et comprendre la complexité de notre monde

Dessinez des ronds (à l’aide d’un emporte-pièce par exemple) pour représenter les interactions entre les agents économiques, d’une part, et entre ceux-ci et la nature, d’autre part.
Surtout évitez de ne traiter ces interactions qu’avec une simple planche à découper car leurs complexités ne peuvent être simplifiées selon les processus linéaires qui dominent les discours économiques et financiers ambiants.

Comme tout système, la pâtisserie…
Pardon… l’économie est dynamique, instable, imprévisible et… complexe.

Cependant, la bonne nouvelle est qu’il est possible d’appréhender, voire d’anticiper, les scenarii de cette complexité par l’observation des interactions entre les composants d’un écosystème.

Kate nous invite donc à penser en systèmes, et à abandonner le concept des externalités car elles ne sont plus possibles à partir du moment où l’on décide d’ouvrir les yeux sur la réalité des interactions.
Où devrions-nous « stocker » les externalités environnementales (pollutions, etc.) sociales (burn-out) créées par les entreprises ?
Pendant combien de temps ?
Et pourquoi l’Etat devrait continuer à les financer, et avec quels moyens budgétaires ?

Entrainons-nous donc à relier les cercles des enjeux de note société et de l’économie, en commençant par les plus proches de notre réalité quotidienne pour enfin reprendre la main (prétendument invisible) du marché.


Étape 5 : Redistribuer les richesses créées

Ce n’est pas en disposant les donuts sur une plaque farinée, en les couvrant et les laissant se reposer 30 minutes supplémentaires que le ruissellement de la croissance économique permettra de réduire les inégalités !

Notre cuisinière préférée est catégorique.
Selon elle, Il est urgent de modifier la distribution du revenu mais aussi de la richesse, spécialement celle qui vient du contrôle de la terre, de la création de la monnaie, de la technologie, et du savoir.

Les communs du savoir trans-locaux (mis en place en appliquant les principes du design libre et ouvert) permettront à chacune et à chacun de créer des entreprises open source et ainsi d’accélérer la régénération de l’économie.


Étape 6 : Régénérer les ressources

A ce rythme, il ne sera bientôt plus possible de faire chauffer l’huile dans une casserole à 170-180°C pour préparer les donuts si nous continuons d’épuiser les ressources naturelles et énergétiques !
Et alors ? Comment fera-t-on la cuisine ?

Si nous attendons que le marché s’autorégule, le point de basculement sera brutal, en raison d’une augmentation soudaine du prix d’extraction des ressources et ensuite de l’irréversibilité des changements induits par les changements climatiques.

C’est pourquoi une économie réellement circulaire est indispensable.
Et nous avons tous les ingrédients nécessaires ici en Belgique : connaissances, moyens financiers et de nombreux déchets-ressources, provenant de mines urbaines, qui peuvent être optimisés et réutilisés pour découpler le bien-être des citoyennes et citoyens de l’extraction des ressources naturelles.

La transparence est un autre ingrédient indispensable tant sur la composition des produits que sur la localisation et la disponibilité des matériaux, sans oublier, bien sûr, les processus de transformation.


Étape 7 : Vivre en nous détachant de la croissance

A ce stade de notre cours de cuisine, imaginez-vous encore frire les donuts et les dorer 2 minutes environ de chaque côté puis les égoutter sur du papier absorbant (jetable !) pour éponger l’excédent de gras ?? Really ? Genuinely ?

Eh bien Kate, elle, a pris beaucoup de temps pour réfléchir à cette ultime étape : « To grow green or not to grow at all ? ».

Sa conclusion devrait vous permettre de remplacer la consommation de « donuts physiques » par la conception de « donut économique ».

« Il est essentiel de viser rapidement une économie régénérative et inclusive et de nous libérer de cette dépendance structurelle à la croissance »

Kate Raworth, théricienne de la transition et cheffe étoilée

Après Amsterdam, c’est donc très bientôt, à notre tour de découvrir les bienfaits de ce donut magique, dont le concept et la méthodologie sont finalement délicieusement pertinents pour la transition de notre région.

Les premiers donuts devraient être bientôt servis au menu du Conseil des Ministres bruxellois et disponibles dans la foulée sur toutes les bonnes tables de la capitale européenne…

A suivre donc.
Sur LIVELY évidemment !


ZOOM SUR LE DONUT BRUXELLOIS

Bruxelles fait également partie du mouvement international initiée par Kate Raworth.
L’équipe des chercheuses et chercheurs de Brussels.Donut cherchent à adapter la théorie du Donut à la réalité concrète de notre Région.

Elle le fera en cocréation, avec différents acteurs bruxellois qui participent à cette aventure. Vous pouvez trouver plus d’informations sur leur recette Bruxelloise : https://donut.brussels/


Cet article est sous Licence Creative Commons.
Vous êtes libre de le réutiliser (en mentionnant l’auteur – BY) mais pas pour un usage commercial (NC) et pour le partager dans les mêmes conditions (SA).
All about Creative Commons