Notre Série « Art, Culture & Partage » – Saison 1 / Episode 2
L’économie circulaire, c’est penser réutilisation, recyclage et tout ce qu’on trouve en haut de l’Echelle de Lansink, mais c’est aussi penser partage.
Hé, les Geeks, il paraît que vous avez réussi à sécuriser le partage de vos projets pour pas qu’on vous les pique, c’est vrai ?
– Ben, ouais.
– Ah chouette ! Et comment vous avez fait ?
– Heu, on a créé les licences logiciels libres.
– Et ça marche ?
– Ben ouais.
– OK. Bon, ben nous les artistes, on va faire pareil.
Et c’est ainsi qu’est né l’Art Libre, un nouveau chapitre de la Grandiose Saga du Partage.
Un coup de main des Geeks
C’est donc bien à la suite de la création de l’open source et des licences logiciels libres que sont nées les premières initiatives en matière d’Art Libre.
Il aura quand même fallu attendre un peu. Et notamment qu’Internet vienne mettre un sérieux désordre dans l’utilisation des droits sur les images et la musique.
C’est en effet à partir de 1998, année de référence pour le Web (1), qu’un Français, Mirko Vidovic décide, après avoir discuté avec Richard Stallman, de créer une licence permettant de protéger les créations des artistes désireux de partager leurs œuvres sans risquer de les voir reprises et commercialisées par d’autres.
Après quelques péripéties, c’est la licence de la GNU GPL de la Free Software Foundation (FSF) qui est retenue comme système de référence.
Le temps des costards-cravates
Quelques années plus tard, l’art et la culture libre font un nouveau pas en avant avec la fondation en 2001 de l’association Creative Commons par Lawrence Lessig et une équipe d’experts volontaires de la Stanford Law School avec pour objectif de proposer une solution alternative légale aux personnes souhaitant libérer leurs œuvres du système classique des droits de propriété intellectuelle, clairement inadapté à cette nouvelle culture.
L’initiateur du projet, Lawrence Lessig, est un personnage étonnant.
Pas vraiment le profil barbe hirsute, T-Shirt Métal et espadrilles qu’on pourrait imaginer.
Non, c’est plutôt du lourd, même s’il ressemble étrangement à Tim Robbins (enfin, je trouve) (2).
Juriste américain de renommée internationale, professeur à l’Université d’Harvard (excusez du peu) où il a fondé le Center for Internet and Society, puis à Stanford (idem), il est l’un des défenseurs historiques de la liberté de création sur Internet et l’une des voix les plus écoutées dans le monde sur ces sujets.
Après les Geeks chevelus, ce sont donc les experts en costume qui s’emparent du sujet pour bétonner un peu plus et améliorer le système de partage libre.
Encore une fois, au bénéfice de tous.
Un pas en avant avec les licences Creative Common
La principale contribution de l’association Creative Commons est d’avoir développé un système complet et modulaire de licences libres qui permet aux artistes et à n’importe quel créateur (écrivain, journaliste, bloggeur et j’en passe) de choisir le niveau de partage (et donc de réutilisation) qu’il veut autoriser sur son travail.
C’est cela qu’on appelle les licences Creative Commons.
Le principe (astucieux, je dois dire) repose sur l’utilisation (éventuellement mixée) de 4 composantes :
- La composante « Attribution » (sigle BY) qui autorise à réutiliser l’œuvre pour autant que son auteur initial soit mentionné.
- La composante « Non-Commercial » (sigle NC) qui autorise à réutiliser l’œuvre mais interdit d’en tirer un bénéfice commercial sans l’autorisation de l’auteur.
- La composante « Pas de produits dérivés » (No Derivative Works – sigle ND) qui autorise à réutiliser l’œuvre mais pas de l’intégrer dans une œuvre composite. Si c’est un morceau de musique, par exemple, il ne pourra pas dès lors être samplé pour en faire un nouveau morceau.
- La composante « Partage à l’identique » (Share alike – sigle SA) qui autorise à réutiliser l’œuvre, à la modifier et à la partager, pour autant que la version modifiée soit mise à disposition sous la même licence ou une licence similaire.
Et ces différentes composantes peuvent être évidement combinées.
Ainsi, une œuvre sous licence Creative Commons BY-NC-SA (Attribution-Non Commercial-Partage à l’identique) peut être réutilisée à condition de mentionner son auteur (BY) et de ne pas en tirer de bénéfices commerciaux (NC).
Et si elle est modifiée, améliorée, réutilisée, la nouvelle œuvre devra être diffusée sous cette même licence (SA).
Il n’y a pas à dire, c’était malin.
Et ça marche
Il faut le reconnaitre, la mayonnaise a pris.
Onctueuse, d’une consistance délicate et savoureuse.
Jugez plutôt :
Aujourd’hui, l’association internationale et ses 70 « chapitres » dans le monde annoncent 1.6 milliards d’œuvres sous licence Creative Commons.
En 2017, le Metropolitan Museum of Art de New-York, vénérable institution s’il en est, a annoncé la mise à disposition sous licence Creative Commons de sa collection de 375 000 œuvres numérisées issues du domaine public, offrant ainsi leur libre réutilisation et sans aucune restriction.
Le musée new-yorkais rejoint ainsi d’autres institutions culturelles de référence telles que la New York Public Library, la National Gallery of Art, la British Library ou encore le Rijksmuseum d’Amsterdam.
Et, en janvier 2020, ce sont les musées de la Ville de Paris qui ont contribué au mouvement en mettant à disposition quelques 100.000 œuvres sous licence Creative Commons[2] en proposant, par ailleurs, un moteur de recherche dédié.
D’autres acteurs de poids se sont engagés dans cette démarche de partage, dont la NASA et l’Agence Spatiale Européenne (ESA) qui proposent une quantité astronomique (c’est le cas de le dire) de données et d’images.
C’est ainsi sur un portail dédié que l’ESA proposent ces ressources (http://open.esa.int/) qui sont accessibles, par ailleurs, sur la plateforme Flickr : https://www.flickr.com/photos/europeanspaceagency
La bière libre
Mais il n’y a pas que des œuvres de prestige de l’Histoire de l’Art ou de magnifiques photos de l’univers qui sont ainsi mises à disposition de tous. Il y a aussi des projets plus insolites.
Parmi ceux-ci, l’un a attiré en particulier mon attention (et n’en tirez pas de conclusion hâtive) : un projet de bière libre.
Cette initiative rassemble donc des fabricants de bière artisanale dans le monde entier qui mettent leurs recettes et leurs secrets de fabrication sous licence Creative Common.
Certains pourraient m’objecter que ce n’est pas de l’art. Mais là, je m’insurge. Parce que si, la fabrication d’une bonne bière, c’est tout un art.
A votre tour
Bien sûr, maintenant vous n’avez qu’une envie : proposer à votre tour vos œuvres sous licence Creative Common !
Evidement.
Alors comment fait-on ?
En fait, c’est très facile, le site Creative Commons propose une procédure en ligne super simple que vous n’avez qu’à suivre : C’est ici !
Ça a marché ?
Si vous testez l’aventure et que vous voulez partager votre expérience, n’hésitez pas : un petit mail et on verra comment publier votre témoignage : hello(at)lively.brussels
POUR EN SAVOIR PLUS, À LIRE AUSSI
[1] Source : https://creativecommons.org/about/
[2] Source : https://creativecommons.org/2020/01/10/paris-musees-releases-100000-works-into-the-public-domain/
Petites notes de bas de page
[1] Avec notamment la naissance de Google et d’une tripotée de futurs Digital Native aussi à l’aise avec les réseaux sociaux aujourd’hui que moi, à leur âge, avec ma console Atari 26000 et ma platine Vinyles.
[2] Mais pas sur toutes les photos, en fait.
SOURCE DES IMAGES
Alan LEVINE – CC
David ERICKSON – CC
Cet article est sous Licence Creative Commons.
Vous êtes libre de le réutiliser (en mentionnant l’auteur – BY) mais pas pour un usage commercial (NC) et pour le partager dans les mêmes conditions (SA).