Questions de Goût

S’il y a bien une chose qu’on partage tous, c’est le goût du bon manger.
Du coup, pour ce nouveau LIVELY de janvier, nous sommes partis à l’aventure du côté de l’alimentation durable et circulaire.

Parce que le fait est que c’est un vrai sujet.

Où l’on parle du réchauffement climatique causé par les mégatonnes de CO2 dégagées par la culture bovine, de l’innommable scandale du gaspillage alimentaire, des conditions atroces d’élevage des animaux en batterie, des hormones, antibiotiques, OGM et autres crasses qu’on leur injecte, des centaines de milliers d’hectares de forêt amazonienne qu’on brule pour cultiver du soja transgénique pour les nourrir…

Donc, oui, c’est un vrai sujet.
Mais concrètement, la question que se posent nos milliards de lectrices et de lecteurs est évidement la suivante :
Une fois que j’ai enlevé le steak au milieu de mon assiette, par quoi je le remplace ?
Parce que la purée et la salade tout seuls, c’est vrai que parfois, c’est un peu triste…

Du coup, quelles alternatives ?
On connaissait les falafels (perso, j’adore), le tofu (un poil moins fan) ou le seitan (pas encore gouté, j’avoue)…
Mais aujourd’hui, nous vient d’Indonésie, une nouvelle recette à essayer : le tempeh.

Et pour nous en parler, nous avons eu la chance de rencontrer Noemi Salantiu qui codirige, avec son compagnon Winnie Poncelet, la société bruxelloise BeanLife, spécialiste du tempeh, bio, durable, local et circulaire.

Bonjour, Noemi !
– Bonjour LIVELY !

Noemi SalantiuBeanLife

Ça commence à la maison

Entreprendre dans l’alimentation durable à Bruxelles aujourd’hui, c’est possible. C’est ce que nous a expliqué Noemi.

Alors, BeanLife, c’est quoi ?
« BeanLife, c’est une jeune entreprise que nous avons lancée cette année 2020 et qui qui fabrique des produits riches en protéines végétales naturelles.
Notre produit phare est le tempeh,
un produit originaire d’Indonésie à base de haricots soja transformés par fermentation ».

Et BeanLife, c’est qui, Noemi ? Dis-nous tout.
« Eh bien, c’est moi et mon compagnon, Winnie. Nous sommes entrepreneurs depuis une dizaine d’années environ, notamment dans les domaines de l’innovation sociale et de l’innovation en économie circulaire. Et là, on a voulu créer cette activité au départ pour notre famille ».
C’est intéressant, ça.

« Oui, cela a commencé vraiment par nos besoins personnels. Nous avons voulu entrer dans cette transition vers le végétarisme en cherchant à manger plus sain à la maison.
Et aussi de manière plus durable. Mais le fait est que nous n’avons pas trouvé d’alternatives vraiment satisfaisantes, qui soit bonne pour l’environnement et le climat mais qui soit aussi réellement savoureuse. C’est vraiment comme ça qu’on a découvert le tempeh, qu’on a commencé à le cuisiner et puis à vouloir le fabriquer nous-mêmes ».

Et voilà. Comme beaucoup de bonnes idées dans l’alimentaire durable, cela commence à la maison, et plus précisément dans la cuisine.
Avec une question existentielle majeure : « Qu’est-ce qu’on va manger de bon ce soir ? »


L’aventure de l’entreprenariat alimentaire durable

Alors, c’est comme ça que ça a commencé pour vous, Noemi ?
« Oui, c’est là que nous nous sommes dit : ‘Il existe une opportunité de marché en Belgique pour ce type de produits qu’on ne trouve pas facilement. Et c’est effectivement comme ça qu’on a commencé. D’abord, avec une passion, quelque chose qu’on aime faire nous-mêmes et qu’on a voulu offrir aux autres, à tous ceux qui se posent les mêmes questions, qui ont envie de bien manger avec des produits bons et sains ». 

Mais entre le repas du soir à la maison et une activité d’entreprise, il y a quand même quelques étapes à suivre.
Et tout d’abord, savoir ce qu’on veut vendre.
Et donc, Noemi, chez BeanLife, c’est quoi vos produits ?

« Chez nous, ce sont surtout différents types de tempeh.
A l’origine, des produits à base de fèves de soja. En Indonésie, c’est l’un des aliments de base de l’alimentation, l’une des principales sources de protéines depuis plus de deux siècles, je crois.
Mais, on s’est vite rendu compte que la technique utilisée pour fermenter ces fèves pouvait être appliquée à d’autres types de haricots et de fèves.
Alors, on a essayé des nouvelles recettes pour pouvoir proposer une plus large variété de produits, notamment en utilisant des fèves plus locales, qu’on peut trouver dans nos régions.
Et du coup, maintenant on a différentes sortes de tempeh, chacune avec une saveur et un goût différents.
On a aujourd’hui le tempeh au soja qui est le plus classique, mais on a aussi lancé un tempeh à base de haricots noirs, qui a un goût très différent. Et pour Noël, on a même lancé une édition limitée spéciale de tempeh à base de poix verts et de riz rouge. Aux couleurs de Noël, en fait. Avec ce type de techniques de fabrication, il n’y a pas vraiment de limites ».

C’est bien vu, ça aussi.
Du coup, le conseil n°2 : Tester de nouvelles recettes à base de produits locaux. Expérimentation gastronomique. L’innovation et la recherche-développement dans la cuisine.
Parce que ce sera (sans doute) très bon mais aussi parce que c’est plus durable, écologique et, donc, vertueux.

Mixed tempeh coconut chilli bites – By BeanLife

Mais ça se prépare comment

On parle quand même de bien manger, de se régaler.
Donc tes conseils culinaires sont les bienvenus, Noémi.

« D’abord, il faut savoir que le tempeh, ça cuit très vite, une dizaine de minutes. Et c’est très facile à préparer parce que les fèves sont précuites lors du processus de fabrication.
Alors, le plus facile, et c’est très bon, c’est juste de le couper en bloc, de le mettre dans la poêle avec de l’huile végétale pendant 3 minutes de chaque côté. Et, à la fin, quelques gouttes de sauce soja.
Et voilà, c’est prêt !
Ça se mange chaud ou froid. Dans un sandwich, par exemple. C’est vraiment super-facile à préparer ! »

Et, pour aller plus loin, le site Web de BeanLife propose plein de bonnes recettes dont certaines, et c’est original, ont été créées par la communauté BeanLife !


Gastronomic Community

Une chouette idée, ça aussi, une communauté de cuisiniers-gastronomes pour créer de nouvelles recettes.

C’est comme ça que ça marche, Noémi ?

« Oui, absolument ! C’est une vraie communauté de créateurs passionnés de cuisine. Ils sont environ 500 aujourd’hui.
La plupart ont été les premiers à avoir acheté et essayé nos produits. Ils nous font part de leurs avis. C’est une opportunité extraordinaire et vraiment très utile, un peu comme de prendre le pouls du marché quasiment en temps réel.
C’est important, pour nous, d’être proche de nos consommateurs, de partager des informations avec eux, de les rencontrer aussi lors des évènements auxquels on participe ou qu’on organise, des ateliers ou des séances de dégustation.
En fait, c’est vraiment une communauté de consommateurs engagés. 
Et, bien sûr, ils nous envoient aussi régulièrement des idées de recettes. Et je dois dire que l’une des plus fameuses que nous avons goutée, c’est le Chili Sin Carne au tempeh de haricots noirs. Un délice ! Nous l’avons testée et, hop, mise en ligne sur le site.
Pour ceux qui veulent essayer une excellente première recette, je recommande celle-là !
En plus, c’est un bonne alternative à la viande dans un plat qui est déjà connu, donc, normalement, il y a peu de risque d’être déçu ». 


Et durable, bien sûr

Tout cela est très intéressant.
Mais on n’est pas sur Marmiton ici, on est sur LIVELY.

Donc, Noemi, une question essentielle pour nos lectrices et lecteurs engagés :
En quoi les produits BeanLife sont-ils durables et écologiques ?

« La durabilité pour nous, c’est un impératif. Très clairement.
Chaque jour, on voit les taux d’émission de CO2 et de gaz à effets de serre en augmentation presque constante. Et les filières de production de viande font partie des grands émetteurs de CO2 avec un impact très significatif sur l’environnement.
La création et la production d’alternatives à la viande sont donc réellement essentielles pour vraiment réduire l’empreinte environnementale de nos modes de vie alimentaire.
La dimension locale est aussi importante pour nous. Et là-aussi, le tempeh est un produit qui a des choses à dire.
On peut facilement trouver des fèves ou des haricots qui ne viennent pas de Chine ou de l’autre bout du monde, qui sont bio et sans OGM. Et même du soja belge. On trouve des alternatives locales pour beaucoup de ces produits. Ce n’est pas la peine d’aller les chercher sur les autres continents.
L’autre point important, c’est de travailler avec des aliments qui sont purs, avec des ingrédients dans lesquels on ne devra surtout pas ajouter de conservateurs qui vont altérer le goût et dont on ne connait pas vraiment la composition. Dans certains aliments végétariens, on trouve des extraits de protéines dont on ne connaît pas l’origine exacte. Avec notre tempeh, on maitrise complètement la chaîne de fabrication donc on n’a pas ce genre de problèmes ».

Faut reconnaître, la durabilité chez BeanLife, c’est du sérieux.


Tempeh circulaire

Végétal, nutritif, local, pur et délicieux…
Et circulaire maintenant ?
Etonnant. Comment faites-vous cela, Noemi ?

« Oui, c’est l’un de nos tout derniers produits. Un tempeh circulaire à base de noisettes qui sont récupérées auprès de producteurs d’huile artisanale.
On est toujours à la recherche d’ingrédients nouveaux et, avec la technique de fermentation du tempeh, on peut faire beaucoup de nouveaux produits, notamment avec des noix et des noisettes.
En regardant autour de nous, on a effectivement constaté qu’il y a de nombreuses industries alimentaires qui n’utilisent pas les produits secondaires qui restent après la fabrication de leurs propres produits. En général, ils les traitent comme des déchets et les jettent. Alors on a intégré ça dans notre travail de recherche.
Et c’est comme ça qu’on a créé notre tempeh circulaire aux noisettes ».

PUMPKIN QUICHE WITH HAZELNUT TEMPEH – By BeanLife

Ça a l’air si simple dit comme ça. Mais concrètement, vous faites ça comment, Noemi ? 
« En fait, on a travaillé avec deux producteurs, l’un en Belgique et l’autre aux Pays-Bas. Ce sont des petites entreprises de fabrication d’huile de noisettes, de noix et de sésame. Et on a essayé et ça marche.
Dans leurs procédés de fabrication, ils pressent les noisettes et les noix pour faire de l’huile et ce qui reste, les fibres des noisettes et des noix, est encore très riche en termes de valeur nutritionnelle.
C’est donc avec ça qu’on a commencé et, d’ailleurs, nous ne sommes pas les premiers à tester la réutilisation de cette matière première ».


Et maintenant, la certification bio 

Dans l’alimentation durable, la certification bio est parfois une question compliquée.
Nombre d’entrepreneurs du secteur n’utilisent que des produits naturels, parfois d’ailleurs ceux qu’ils cultivent eux-mêmes (donc garantis 100 %) mais, pour le consommateur qui ne connaît pas directement le producteur, la seule garantie dont il dispose pour avoir l’assurance de consommer des produits sains, c’est la certification (en sachant qu’il existe, bien sûr, différents systèmes de certification bio ou d’alimentation durable, et tout autant de débats vigoureux et passionnés sur le sujet).

Et vous, Noemi, chez BeanLife, vous y pensez ?
« Oui, bien sûr ! Ça, c’est l’un de nos grands projets pour 2021 ! En fait, nous avons déjà présenté une demande et nous en sommes au règlement des questions administratives.
Mais, en tout cas, jusqu’à présent, nous n’utilisons que des ingrédients bio dans notre process de fabrication. Donc, pour nous, c’est engagé ! »
Voilà qui est clair. Merci, Noemi.


Une vie d’entrepreneurs durables…

Chez LIVELY, on aime vous partager les histoires de ceux qui franchissent le pas, se lancent dans l’entreprenariat durable et contribuent ainsi réellement à cette Grande Transition qui est notre objectif à tous.
Mais c’est vrai que c’est souvent plus facile à dire qu’à faire.
Se lancer, d’accord, mais comment ?
Alors, on a posé la question.

Noemi, comment ça se passe votre vie d’entrepreneurs ?

Soupir et sourire. Et puis :
« En fait, ça commence avec les valeurs. On sait qu’il y a un risque, qu’il n’y a pas forcément de stabilité. Et donc, c’est vraiment sur la base des valeurs qu’on choisit de s’engager, de contribuer à quelque chose qu’on juge important.
Dans le cas de BeanLife, pour nous, c’était vraiment d’accompagner les gens dans un nouveau style de vie, de leur faire découvrir l’alimentation durable.

Noemi & Winnie au travail

Ensuite, on essaie de faire au mieux avec les ressources à notre disposition pour tout mettre en place.
Qu’est-ce qu’on veut faire ? Et de quoi on a besoin ?
On fait d’abord cette liste. Pour nous, c’était d’avoir des produits locaux et des ingrédients bio. Au début, c’était difficile parce qu’on n’avait pas l’espace de production suffisant.
Mais ce qu’on a essayé, à chaque étape, c’est de faire des choix en accord avec nos valeurs. Et, de fait, ce n’est pas si facile. On est obligé de faire des compromis parce qu’en tant qu’entrepreneur, on doit aussi être attentif à sa rentabilité. A un moment, on a trouvé des super-produits, locaux, durables, etc. mais évidemment, c’était plus cher. Alors, on a dû s’orienter vers d’autres solutions.
Et c’est là aussi qu’il faut savoir être créatif tout en acceptant de faire ces compromis. »


…et circulaires

Ça, on ne peut pas dire, c’est un vrai discours de réalité.
Et, Noemi, y a-t-il des spécificités pour l’entreprenariat circulaire ?
« En ce qui concerne la production circulaire, là-aussi, c’est particulier. Nous avions la chance d’avoir une certaine expérience dans le domaine parce que l’économie circulaire nécessite quand même quelque connaissance du sujet pour savoir quels principes de l’économie circulaire on peut vraiment appliquer à son projet.
Et, c’est vrai que ce n’est pas si simple.
Il y a beaucoup de choses auxquelles il faut penser : le choix des matières premières, la production, la distribution, la conservation et la durée de vie du produit, etc. Et on ne peut pas être parfait sur chacun de ces points. Il faut les étudier et savoir faire des choix.
Et, surtout, se demander régulièrement comment s’améliorer ».


Et la vie personnelle dans tout ça 

Voilà pour le projet entrepreneurial.
Et c’est vrai qu’il faut penser à beaucoup de choses.
Mais on a aussi voulu demander à Noemi comment c’est de changer de vie comme ça.  Pas trop dur ?
« Pour nous qui avions toujours travaillé dans des équipes et surtout pour des associations ou des ONG, ce changement n’a pas été si simple.
Maintenant, pour la première fois, nous sommes dans un modèle qui est commercial et ça change un peu notre manière de voir les choses.
Comment faire un business model, comment le faire fonctionner, comment produire, vendre… on a l’impression, c’est vrai, d’avoir perdu un peu de liberté.
Cependant, on a maintenant une mission clair, un projet qui est à nous. Et ça, c’est vraiment bien ».


Quelques petits conseils

Avec Noemi et Winnie, nous avons vraiment sous la main des témoins parfaits pour parler de cette expérience d’entrepreneurs en alimentation durable.
Du coup, Noemi, quels conseils donnerais-tu à celles et ceux qui pensent aussi à se lancer ?
« Personnellement, mon premier conseil, c’est d’étudier le marché et d’aller vers un maximum d’acteurs du secteur.
Parler, discuter, écouter. Pas seulement les consommateurs mais tous ceux qui connaissent un peu le métier et qui peuvent partager leurs expériences que ce soient des producteurs, des distributeurs, des coopératives ou des détaillants.
C’est vraiment, vraiment important pour comprendre comment faire pour avoir un projet d’entreprise viable.

Et la deuxième chose, c’est vraiment de travailler soigneusement son Business Plan et de se faire aider pour ça. Ce sont des compétences qu’il faut avoir. Dans notre activité, par exemple, il y a des coûts cachés que nous n’avions pas identifiés.  Et le Business Plan sert aussi à cela.
Nous, par exemple, nous nous sommes fait accompagnés par GreenLab, un programme d’accélération des entreprises durables soutenu par hub.brussels. Ils nous ont surtout aider à bien structurer nos idées et les différentes étapes de notre projet ».


Une nouvelle année, de nouveaux projets

Pour BeanLife, 2020 a été l’année du grand démarrage.
Du coup, Noémi, comment vous abordez cette nouvelle année ? Des projets ?
« On en discute encore pour tout dire. On travaille sur notre stratégie mais, a priori, le plan sera de faire grandir l’entreprise, de changer d’échelle, d’identifier et d’atteindre de nouveaux marchés.
Mais, évidemment, on doit penser aussi à adapter notre production pour servir plus de clients (professionnels et consommateurs) et avoir plus de points de vente. Ça, c’est vraiment notre grand projet pour l’année à venir ».


Le message de BeanLife aux lecteurs de LIVELY

Un petit mot pour nos lecteurs, Noemi ?
« Oui. Ce que je voudrais dire c’est qu’en fait, il n’y pas de meilleur moment qu’en ce moment avec la crise pour réfléchir à nos modes de consommation.
C’est vrai pour l’alimentation mais aussi pour tout le reste, les produits pour la maison, les cosmétiques, les vêtements…
D’où viennent ces produits ? Comment sont-ils fabriqués ?
Et se demander en tant que consommateur, comment je peux soutenir les producteurs locaux.

C’est important de penser à tout cela ensemble.

Et Bonne Année à tous ! ».

Merci Noémi !
Bonne année aussi !
Et la bise à Winnie !


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