Des chargeurs à la décharge

Combien de chargeurs d’appareils électroniques avez-vous déjà acheté dans votre vie ?
Au moins un par GSM, vu qu’ils sont d’office vendus avec.
Voire plus si vous ne savez plus où vous avez rangé le premier.

Du coup, la réponse à cette question donne littéralement le vertige. Et on se retrouve vite avec des tiroirs remplis de chargeurs inutiles qui, au final, vont finir à la poubelle simplement parce que le truc n’est franchement pas bien pensé.

On peut difficilement dire le contraire.

C’est évidemment la raison pour laquelle la mise en place d’un chargeur commun à tous les GSM représenterait indéniablement un progrès majeur, aussi bien pour le consommateur (qui n’aurait pas à en racheter quand il n’en a pas besoin) que pour l’environnement qui, globalement, en a marre de servir de poubelles à déchets, surtout s’ils sont inutiles.

La Nature est claire sur ce point : des chargeurs différents pour chaque type de téléphone, c’est vraiment pas très malin.

Parfois un peu lente mais généralement de bonne volonté, l’Union Européenne s’est donc emparé du sujet et c’est une bonne nouvelle.
Ainsi, la Commission Européenne devrait faire, dans les prochains mois, des propositions en ce sens dans le cadre de l’initiative dans le pacte vert portant sur la circularité des produits électroniques.

Un sujet très, très sérieux quand on connaît l’impact catastrophique de ces déchets particuliers ainsi que les conditions, souvent abominables, dans lesquelles ces produits sont fabriqués.


C’est vraiment pas terrible

A moins que vous soyez né·e au 19e siècle, vous n’êtes pas sans savoir que les bidules électroniques occupent un place grandissante dans notre vie.
Effectivement, ce n’est pas vraiment un scoop.

Quelques chiffres.

Entre 2009 et 2017, le poids des produits électroniques mis sur le marché européen a cru de 17,12 kg à 20,7 kg par habitant, soit un accroissement d’environ 15%.

Parmi les différents flux de déchets en Europe, ceux qui sont liés aux produits électroniques connaissent une croissance particulièrement importante (dramatique pourrait-on dire).

D’abord parce que le recyclage peine à suivre l’explosion de la consommation avec seulement 40 % de recyclage en moyenne.
En sachant que les performances des différents états membres en la matière de recyclage varient énormément, avec 81% de produits recyclés en Croatie contre 21% à Malte.

L’un dans l’autre, ça signifie qu’environ 60 % de ces mégatonnes de crasses finissent enterrés ou brulés.
Voire dans des décharges à l’air libre où vivent des milliers d’enfants.

Décharge au Ghana
Source : Wikipédia

C’est pas terrible, je vous avais prévenus.

Et ce d’autant que les « progrès » en la matière posent pas mal de problèmes. Parce que, voilà, avec la miniaturisation des produits électroniques, la difficulté d’assurer plus de recyclage s’accroît d’autant.
Donc, c’est petit, c’est chouette mais, en fait, pas tant que ça.

Alors, donc, évidemment, il faut améliorer ces taux de recyclage des produits électroniques mis sur le marché européen.
Mais, bien sûr, c’est loin d’être suffisant et il convient, au moins tout autant, d’éviter la production d’objets inutiles.
Parce que, ça, c’est très précisément le contraire de l’économie circulaire. Si j’osais, je dirais même que c’est has been et stupide.

Il va donc falloir se pencher très sérieusement sur les questions d’écodesign des produits électroniques et, en particulier, pour les GSM et accessoires qu’on achète presqu’aussi facilement que des paires de chaussettes.
Souvent à Noël.


Des chiffres qui font froid dans le dos

Attention, ça va faire mal.

L’extraction, la production et le transport des chargeurs de téléphones sont génèrent chaque année 11.000 à 13.000 tonnes de déchets électroniques et leur bilan carbone sur leur cycle de vie représente entre 600 et 900 kilotonnes d’équivalent CO2, soit les émissions de 195,732 voitures conduites pendant un an.

Eh oui… C’est vraiment pas joli, joli.

Electronic nightmare
Source : Marc Wathieu – Visite chez CF2D

La solution est évidente pourtant

Dans ce contexte, la mise en place d’un chargeur commun devient une évidence.
Non seulement, ça simplifierait la vie des consommateurs mais surtout, et c’est l’essentiel, cela assurerait des économies de ressources très substantielles et une réduction tout aussi importante de déchets vraiment crasseux.

Et le moins qu’on pourrait faire, et c’est vraiment le minimum, c’est d’assurer une interopérabilité maximale en exigeant la standardisation du point de connexion, cette petite fiche qui permet de brancher le chargeur au téléphone.

Quand on y pense…


Arrêter de tout mettre dans la boîte

Le corolaire évidemment, indispensable pour vraiment réformer le système, ce sera de découpler l’achat du GSM et du chargeur.

Si on a déjà un chargeur universel et qu’on a déjà un téléphone, pourquoi est-ce que nous remet un chargeur ?
Qu’évidement on paye…

Pas besoin d’être Prix Nobel pour comprendre que vendre des téléphones sans inclure systématiquement un chargeur dans la boite va mécaniquement réduire le nombre de chargeurs achetés par consommateur et donc réduire significativement la production de déchets.
Ce n’est pas très compliqué à comprendre pourtant.

Enfin, sachant que la part de marché des chargeurs sans fils est appelé à croître, l’interopérabilité totale doit être exigée immédiatement et ce d’autant que les technologies d’alimentation sans fil sont bien plus énergivores.
Et il ne manquerait plus que les surcouts éventuels de production retombent uniquement sur le consommateur…


Allez l’Europe !

Ces réformes à mener paraissent tellement évidentes.
Et pourtant, nul doute que la bataille entre la Commission européenne et les défenseurs de l’environnement d’une part, et les lobbies forcenés de la consommation inutile, d’autre part, va être féroce.

Ce qui est terrible, c’est qu’en dépit de l’importance des enjeux (liés notamment à l’approvisionnement de plus en plus difficile de terres rares), nous sommes malheureusement encore bien loin d’un changement de paradigme dans ce secteur qui est encore aujourd’hui beaucoup trop fondé sur le gâchis des ressources et la promotion de la surconsommation.
Suivez mon regard.

C’est pourquoi la proposition à venir de la Commission européenne est cruciale.
Seule la règlementation pourra donner un signal fort quant à la nécessité d’inventer de nouveaux modèles de production / consommation dans ce secteur.

Au vu des montagnes de déchets électroniques qui s’amoncellent dans les décharges du monde entier, l’urgence est plus que jamais là. 
Peut-être même qu’il est déjà trop tard…


Crédit photo principale : IGeneration


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