Ah bon, vous venez de Bruxelles ?
Eh oui.
Alors, c’est vous les as de la construction durable ?
Les champions des champions des bâtiments passifs et circulaires ?
Eh oui. Effectivement.
Et vous nous faites l’honneur de venir à Paris ?
Quelle chance on a de vous avoir ! C’est génial !
Bon. Soyons honnêtes, on n’en est pas encore là.
Cela étant, force est de reconnaître que notre belle capitale est en train de se positionner comme l’une des régions européennes les plus avancées en matière d’écoconstruction.
Et ça commence à se savoir.
J’en veux pour preuve l’invitation faite à ecobuild.brussels, le cluster bruxellois de la construction et rénovation durables, de participer aux Brussels Days à Paris du 22 au 25 septembre dernier.
Ah oui ? Sympa.
Et il s’est passé quoi ?
Eh bien, pour le savoir, nous avons demandé à Emmanuel Malfeyt, coordinateur du cluster ecobuild.brussels.
une histoire particulière
On savait Bruxelles mondialement connue pour ses bières et ses chocolats mais voilà que maintenant notre région suscite aussi l’intérêt pour ses savoir-faire en écoconstruction.
Et ce qu’on aimerait bien savoir, c’est pourquoi.
Du coup, Emmanuel, c’est quoi l’histoire ?
« Et bien, d’abord, il faut noter que l’objectif des Brussels Days, c’est de mettre en avant Bruxelles et ses atouts sur la carte de l’Europe comme une région attractive et riche de nombreux savoir-faire, notamment dans le domaine de la construction durable. Ça c’est l’idée.
Dans ce cadre, ce qu’il faut savoir c’est que cette expertise est le fruit d’une histoire et, en substance, des efforts réalisés à la suite des initiatives politiques qui, à partir de 2007, ont encouragé le secteur à s’engager sur la voie de la construction de bâtiments à haute performance énergétique, avec l’instauration en 2015 du nouveau certificat PEB (Performance Energétique des Bâtiments) qui imposait des normes beaucoup plus exigeantes de construction passive, domaine dans lequel nous nous pouvons être considérés comme précurseurs aujourd’hui.
Et maintenant, nous sommes entrés dans le domaine de la construction circulaire ».
Un savoir-faire reconnu
C’est donc l’évolution de ces cadres réglementaires voulus par le gouvernement régional qui a stimulé le secteur depuis presque 15 ans maintenant.
Comme quoi, le pouvoir politique joue un rôle clef dans la mise en place de progrès concrets en matière de durabilité territoriale.
Et aujourd’hui, nous recueillons les fruits de ces politiques et de cette expertise acquise.
« Le fait est que c’est une expérience à Bruxelles qui est assez unique en Europe et même dans le monde où les différentes régions ont souvent travaillé en étape en durcissant progressivement les exigences légales en matière de construction et de performance énergétique des bâtiments.
Alors qu’à Bruxelles, on a fait le pari de faire cette transition beaucoup plus rapidement, quasiment d’un seul coup.
Et ce qui nous a donné l’avantage de disposer d’une expérience pratique depuis 2015.
On a donc aujourd’hui toutes ces années de pratiques derrière nous, ce qui nous a aussi permis d’apprendre de nos erreurs d’ailleurs ».
On comprend l’idée effectivement.
Et aujourd’hui, le reste de l’univers regarde vers Bruxelles pour apprendre de cette expérience.
C’est bien ça ?
« Exactement.
Cette situation est assez unique et c’est pour ça que, maintenant, d’autres régions européennes s’intéressent à ce que nous faisons ici et font appel à nos experts car ils savent qu’en nous sollicitant, ils pourront apprendre de nos erreurs et des solutions que nous avons trouvées pour y remédier ».
« Aujourd’hui, en matière de performance énergétique, nos entreprises ont pleinement adopté des manières de travailler innovantes.
Emmanuel Malfeyt, coordinateur du cluster ecobuild.brussels.
C’est complétement entré dans leurs pratiques ».
et Maintenant la circularité
On l’aura compris, l’écoconstruction se développe sur différents niveaux.
Et, pour les entreprises bruxelloises les plus avancées dans le domaine de la performance énergétique des bâtiments, il faut maintenant avancer sur de nouveaux axes de travail.
« Tout à fait.
Et, justement, les prochains défis sont dans le domaine de l’économie circulaire.
Et la principale raison pour laquelle nous devons avancer sur cette voie, c’est qu’avec la construction de bâtiments à très haute performance énergétique, on est arrivé à un point au-delà duquel on n’a plus tellement intérêt à avancer.
Les bâtiments sont devenus tellement performants que si on veut aller chercher des gains écologiques et réduire encore nos émissions de CO2, on doit étudier ce qui se passe avant et après la phase d’exploitation d’un bâtiment, c’est-à-dire au niveau de la production des matériaux et au niveau du démontage des éléments de construction. ».
« D’où viennent les matériaux ?
Emmanuel Malfeyt, coordinateur du cluster ecobuild.brussels.
Quelle est leur énergie prise et incorporée ?
Qu’est-ce qu’on va en faire après la phase d’utilisation du bâtiment ?
C’est en se posant ces questions que nous pouvons espérer faire de nouveaux gains pour être encore plus écologiques ».
C’est impressionnant et c’est assez logique.
Surtout quand on imagine les volumes et les quantités de matériaux utilisés par le secteur de la construction dans une agglomération comme Bruxelles.
Les enjeux sont immenses et les potentialités en termes de réduction d’émissions de gaz à effet de serre le sont tout autant.
Démo à Paname
C’est donc fort de ces expertises que le secteur bruxellois de l’écoconstruction s’est rendu à Paris lors des Brussels Days pour présenter ses savoir-faire.
Et, très concrètement, cela s’est matérialisé par la construction au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris d’un pavillon exemplaire qui illustre ces savoir-faire des entreprises bruxelloises.
« C’est bien ça.
Nous avons conçu une mini-exposition avec l’ambition de montrer des projets qui sont exemplaires en construction circulaire.
Et, pour le pavillon, nous avons organisé un appel à participations qui a été remporté par Dzerostudio Architectes pour sa conception. Pour la réalisation, ce sont plusieurs entreprises de référence qui sont impliquées.
Le bois utilisé vient du chantier Tivoli Green City, un quartier bruxellois qui a été plusieurs fois récompensé pour ses ambitions écologiques et durables.
Au lieu d’être jetés dans un container, ces bois ont été préparés par une entreprise d’insertion sociale locale pour pouvoir être réutilisés pour le pavillon.
Les vitres ont été récupérées sur un autre chantier de rénovation, celui des serres de l’entreprise d’insertion sociale bien connue, la ferme Nos Pilifs.
Et le mobilier a été créé à partir d’éléments récupérés sur le chantier du projet Zin qui est la rénovation des bâtiments bruxellois du WTC en logements, hôtel et bureaux ».
Eh bien ! Ça, c’est concret pour le coup
Brusseleir Débrouillardise
Ainsi donc, les talents bruxellois sortent du bois et partent à la conquête du monde.
Et nous, ce qu’on a voulu savoir, c’est comment ces entrepreneurs sont perçus à l’étranger, et notamment en France.
Parce qu’on imagine que là-bas aussi, ils ont des compétences.
C’est quoi ton sentiment à ce sujet, Emmanuel ?
« C’est vrai que des évènements comme les Brussels days sont vraiment importants, aussi parce que je crois que les Bruxellois sont souvent trop modestes.
On voit dans d’autres pays des bureaux spécialisés de deux ou trois personnes qui sont très présents et actifs à l’international. Et, chez nous, on fait cela beaucoup moins facilement.
On a souvent tendance à penser que les autres sont en avance sur nous.
Ce qui n’est pas le cas, en fait.
On a ici à Bruxelles des bureaux qui sont très recherchés, comme Rotor DC par exemple, qui ont participé à un énorme projet aux casernes de Neuilly à Paris.
On a aussi l’architecte Steven Beckers, qui est aussi une des figures phares de l’économie circulaire.
Et aussi Art & Build qui a une agence à Paris et qui dispose d’un expertise forte et reconnue, notamment dans la construction bois. Et je pourrais en citer beaucoup d’autres.
En fait, on est souvent beaucoup mieux perçus à l’étranger qu’on le pense généralement ».
Et, du coup, comment cette perception positive est construite ?
C’est quoi les points forts des entreprises bruxelloises ?
« En fait, nous en tant que Bruxellois, on se débrouille toujours pour trouver des solutions.
Emmanuel Malfeyt, coordinateur du cluster ecobuild.brussels.
On arrive à tirer notre plan un peu dans toutes les situations ».
« Je crois que ça, c’est vraiment notre force.
On finit toujours par trouver une solution qui tient la route.
C’est un peu comme en politique.
Avec l’organisation politique qu’on connaît en Belgique, ce pays ne devrait logiquement pas exister. En regardant de l’extérieur, on devrait se dire que c’est impossible à faire fonctionner.
Et pourtant, ça marche ».
« Quelque part, c’est justement ce savoir-faire-là qui est recherché.
Emmanuel Malfeyt, coordinateur du cluster ecobuild.brussels.
On a toujours appris à faire avec la complexité et la difficulté.
En fait, on est recherchés pour ce pragmatisme et cette capacité à garder la tête froide et à rester positif pour trouver des solutions ».
« Et en même temps et ça, il ne faut pas l’oublier non plus, notre rapport qualité-prix est très bon par rapport à d’autres pays où la construction est beaucoup plus chère ».
Et voilà, nous comprenons maintenant un peu mieux les secrets du succès de l’écoconstruction à la bruxelloise.
Entre impulsion politique, débrouillardise, talents et créativité, le secteur commence à acquérir sa renommée.
Encore une bonne raison d’être fier·e·s. d’être Bruxellois·e·s !
Image A la Une : Pixabay – Free for commercial use
Crédits Photos (sauf mention spécifique) : cluster ecobuild.brussels.
Cet article a été réalisé en partenariat avec hub.brussels, l’agence bruxelloise des entreprises.
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