Transition, écoféminisme et entreprenariat

L’entreprenariat féminin est-il plus durable ? Plus vertueux ?
Et si oui, pourquoi ?
Et quelles sont ses spécificités ?
Et l’écoféminisme dans tout ça ?

Ce sont ces questions que nous avons voulu partager avec vous, chères lectrices et chers lecteurs, dans cette série de trois articles consacrés à l’indispensable rôle des femmes dans la Grande Transition.  

Dans notre précédent article, nous avions tenté de mettre en lumière le fait que le modèle économique capitaliste traditionnel, dans tout ce qu’il a de toxique dans notre monde actuel, était l’expression de la culture patriarcal dominante.

Interrogeons-nous aujourd’hui sur l’écoféminisme et sa contribution possible à l’évolution de nos modèles, grâce notamment aux contributions des expertes des questions d’écoféminisme que nous avons sollicitées (Caroline Lesire et Céline Charvériat).

Est-ce que l’écoféminisme est une réponse ?

C’est aujourd’hui un sujet dont on parle beaucoup et sur lequel se disent, selon nous, pas mal de bêtises (un peu comme le wokisme, par exemple, un autre sujet mais pas si éloigné que cela d’ailleurs).

Alors, tout d’abord,
l’écoféminisme, c’est quoi ?

Une fois de plus, bonne question.
Pour y répondre (et ne pas seulement partager nos points de vue), nous avons rassemblé différentes contributions et analyses,
notamment celles de Caroline Lesire, universitaire spécialisée sur les questions de genre, de Céline Charvériat, directrice de l’IEEP (Institute for European Environmental Policy) et de Florent Losson de chez Groupe One.

Et voici ce qu’il en ressort, les principaux traits qui dessinent ce qu’est l’écoféminisme.

Un mouvement de réaction

Tout d’abord, l’écoféminisme se représente comme un mouvement en réaction aux lignes de force d’un système dominant.

Réaction à l’oppression patriarcale, réaction aux archétypes et aux stéréotypes, réaction à l’exploitation meurtrière de la nature, réaction aux racismes et au sexisme… l’écoféminisme s’est construit comme un ensemble fédérateur de luttes contre ces phénomènes culturels et sociaux de domination.

Journée Internationale de la Femme – 2021
Source : FRANCE-DEMO-WOMEN-DAY – Le Figaro

« L’une des idées-clefs de l’écoféminisme, c’est précisément de mettre en lumière ces rapports de domination et de tout faire pour les combattre.
Les écoféministes mettent en évidence le fait qu’on traite souvent les femmes de la même manière qu’on traite la terre, en la dominant, en la maltraitant, sans jamais s’interroger sur son consentement ».

Caroline Lesire, universitaire spécialisée dans les questions de genre

Intrinsèquement écologiste

La dimension environnementale est fondamentale dans l’écoféminisme.
Historiquement, d’ailleurs, l’origine du mouvement remonterait au moins aux écrits de la biologiste Rachel Carson en 1962, qui dénonçait alors les pollutions aux pesticides et critiquait l’approche techniciste des questions environnementales
(source : Géoconfluences).

Partant de ces considérations environnementalistes (et pacifistes), les écoféministes ont mis en lumière le rapport entre exploitation de la nature par l’homme et domination des femmes, considérant que les socles fondamentaux étaient les mêmes.

« Le courant écoféministe considère qu’il existe des similitudes et des causes communes entre les systèmes de domination et d’oppression des femmes par les hommes et les systèmes de surexploitation de la nature par les humains (entraînant notamment le dérèglement climatique et le saccage des écosystèmes).

En conséquence, l’écologie nécessiterait de repenser les relations entre les genres en même temps qu’entre les humains et la nature. »

Source : Wikipédia – Ecoféminisme
Bruxelles – Marche pour le climat 2021
Appréciez le jeu de mot.

Pluriel mais convergent

C’est aussi un point important.
Fondamentalement, l’écoféminisme n’est pas un mouvement intégré, une doctrine politique et sociale monolithique.
Au contraire, convergence d’initiatives, d’actions et de pensées, l’écoféminisme se caractérise aussi par ses dimensions locales, montantes, militantes et citoyennes.
Des actrices de terrain échangent, se mobilisent, théorisent, agissent à différents niveaux pour se rejoindre sur des grands principes de lutte et d’action.

« L’écoféminisme n’est pas homogène : même à l’intérieur du mouvement, beaucoup d’écoféministes ne sont pas d’accord sur sa définition.

S’il articule clairement la défense de nos terres avec les luttes des femmes, il prend des formes variées, voire contradictoires ; c’est pourtant cette diversité parfois déconcertante qui lui donne son identité originale et vivante. »

Les 8 points de l’écoféminisme – Myriam Bahaffou

Global, international, solidaire et militant

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’écoféminisme n’est pas un mouvement de femmes blanches bourgeoises, bobos occidentales.
Clairement pas.
Il s’agit au contraire d’un mouvement mondialiste, d’une convergence de prises de conscience, de luttes et d’engagements nés aux quatre coins du monde en réponse à des réalités locales bien plus insoutenables encore dans les pays en développement qu’en occident.

Que ce soit en Inde, en Afrique ou en Amérique latine où les menaces tant écologiques que sociales sont bien plus dures que chez nous, de nombreux mouvements de luttes de femmes se construisent autour de la défense les sols, du climat, de l’eau.

L’écoféminisme y est un combat quotidien contre la mainmise hégémonique sur les ressources locales qui est souvent le fait de multinationales occidentales

« C’est d’ailleurs dans les cosmologies et spiritualités des peuples autochtones que la plupart des écoféministes ravivent de nouveaux imaginaires qui valorisent à la fois les sols et les femmes en réponse aux valeurs rationalistes, froides, suprémacistes et conquérantes attachées à la ‘civilisation’ blanche moderne diffusée pendant la colonisation ».

Les 8 points de l’écoféminisme – Myriam Bahaffou

Alors, l’écoféminisme,
c’est la bonne réponse ?

Après ces quelques explications (bien utiles ma foi), j’espère que, comme nous, vous comprenez un peu mieux ce qu’est l’écoféminisme.

Revenons, du coup, à notre question : l’écoféminisme est-il une réponse crédible à la nécessaire révision du modèle économique productif dominant ?

La réponse est oui.
Et non.

Non, parce qu’à notre connaissance, l’écoféminisme n’a pas produit de modèle économique alternatif global appliqué.

Quels aménagements et révisions devons-nous apporter au système libéral ?
Quelle doit-être la place et le fonctionnement de l’économie productive et du capital dans une société post-patriarcal ?

Quelle gouvernance politique de l’économie ?

À notre connaissance, l’écoféminisme n’a pas (encore) fourni de réponses à ces questions.

En sachant que :

  • Nous pouvons nous tromper sur ce point, peut-être que ces théories existent – auquel cas, n’hésitez pas à réagir.
  • Peut-être aussi que poser les questions en ces termes est aussi une forme d’expression de la culture patriarcale qui veut tout mettre dans des cases. C’est bien possible et ce serait la preuve que ce n’est vraiment pas si facile d’en sortir.
L’écoféminisme, une pensée de combat et d’engagement, notamment en Afrique.
Source : L’AlterEgo / Quentin Saison

Oui, quand même.
L’écoféminisme offre des éléments de réponse à la nécessaire révision de notre modèle économique actuel.

Parce que l’écoféminisme fournit des outils intellectuels solides pour appréhender et concevoir ce modèle patriarcal dominant, pour prendre conscience de son existence, de son fonctionnement et de ses matérialités.

En ce sens, l’écoféminisme dans toutes ses formes met à notre disposition des grilles d’analyse critique à partir desquelles les dysfonctionnements de ce système patriarcal sont plus facilement identifiables.
Ce n’est donc sans doute pas une réponse politico-économique intégrée et applicable mais plutôt une série d’outils de diagnostic pertinents complétés par une large gamme d’initiatives locales, concrètes et expérimentales


En conclusion, les écoféministes ont raison quant à leurs analyses

Les questions environnementales, sociales, d’identité de genre, de solidarité sociale et d’ouverture au monde sont liées entre elles.
Et vouloir dépasser ce modèle toxique actuel nous impose de l’accepter, de réfléchir et d’agir en conséquence dans le cadre de réponses globales.

Sans réflexions cohérentes tant sur notre rapport à la nature que sur les relations entre hommes et femmes, entre les peuples et les cultures, il nous sera sans doute impossible de parvenir vraiment à cette Grande Transition que nous espérons toutes et tous.


Crédit Image A la Une : Lara Lars, une artiste à découvrir
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