La Transition a la parole

Chaque année, le greenlab, le programme d’accélération pour start-ups durables de hub.brussels, organise sa Grande Finale qui récompense trois lauréats pour leurs projets d’activités durables et circulaires.

L’un des grands moments de l’année pour découvrir l’innovation en action à Bruxelles dans ce domaine.

Cette année, pour la 10ème édition du greenlab.brussels, nous avons eu la chance de rencontrer les trois gagnant·e·s, récompensé·e·s par le jury composé de représentants de Lita.co, le fonds d’investissement durable bruxellois, de la banque éthique Triodos, de greenbizz.brussels, l’incubateur durable bruxellois, et de Be Angels, le réseau belge des business angels.

La remise des prix Greenlab 2021 à Tour & Taxis
animée par Virgine Smans, coordinatrice

A travers ces projets, ce sont vraiment les visages de la Transition bruxelloise qui se révèlent à nous, les portraits de celles et ceux qui œuvrent vraiment à changer le monde dans la bonne direction.
Et ça, c’est passionnant.
Portraits croisés.


Transformations

Pour commencer, bien sûr, une présentation de ces projets gagnants et de leurs auteur·e·s :

Le Prix greenlab.brussels, pour commencer, a été attribué à Agnieszka Kazimierczuk et à son projet PyroLoop.

Et, du coup, Agnieszka, c’est quoi, PyroLoop ?
« Eh bien, l’idée de notre projet, c’est de produire du biochar, un amendement du sol issue de matière organique, à destination, par exemple, de l’agriculture urbaine, à partir de déchets sanitaires solides, c’est-à-dire des déjections canines et des selles humaines qui sont récupérées sur les sites de construction et lors d’événement organisés à Bruxelles, en restant dans un cercle court.
A partir de cette matière première naturelle, on créé donc cet amendement du sol naturel indispensable pour les écosystèmes végétaux ».

Agnieszka reçoit son prix des mains de Barbara Trachte,
Secrétaire d’Etat à la Transition

Intéressant et étonnant, n’est-ce pas ?
On redonnerait ainsi à la ville les bénéfices d’un cycle naturel des plus fondamentaux.


Le deuxième prix (même si ce n’est vraiment un ordre), le Prix Triodos (d’un montant de 2.500 €) a été, quant à lui, attribué au projet Decarbone, qui nous a été présenté par Arthur Andruszkiewicz, l’un de ses trois fondateurs.

Et là, aussi, nous sommes au cœur des processus de transformation écologique.
En l’occurrence, Arthur, chez Decarbone, vous faites quoi ?

« En fait, même si techniquement, c’est assez complexe, le principe de base de notre projet est assez simple. Il s’agit du développement d’une solution permettant de convertir à l’électricité les véhicules hors normes, essentiellement des utilitaires professionnels fonctionnant à l’essence ou au diesel.
En quelques jours d’intervention, on remplace le moteur à combustible fossile de ces véhicules par un moteur électrique. C’est le principe de la conversion ».

L’équipe de Decarbone reçoit le Prix Triodos

Là aussi, l’enjeu est énorme, on le comprend.
Parce que transformer facilement des véhicules à essence en véhicules électriques, ça pourrait vraiment changer les choses.


Et, enfin, le Prix du public (accordé à la suite d’un vote en ligne ouvert à tous) a été attribué à Marilys Tran et à son projet Scobee.
De quoi s’agit-il, Marilys ?

« Alors Scobee, c’est un projet de packaging fabriqué à partir de déchets de production de bière. Ces déchets sont transformés par des micro-organismes, des bactéries en fait, pour fabriquer un nouveau matériau utilisable dans l’emballage ».

Et ces emballages sont complètement biodégradables, c’est ça ?
« En fait, on ne peut pas faire plus organique que ce matériau-là, vu qu’il est fabriqué par le vivant à partir de déchets qui sont eux-mêmes organiques. Ça permet donc une décomposition très rapide. Dans un compost classique, tout à fait commun, il se décompose intégralement en une dizaine de jours ».

Le Prix du public remis à Marilys Tran pour son projet Scobee
par Evelyne Huytebroeck et Isabelle Grippa de hub.brussels

Incroyable, n’est-ce pas ?
Une solution simple, naturelle et bruxelloise pour remplacer le plastique des emballages. Là aussi, les enjeux sont potentiellement énormes.


Les bienfaits du greenlab

A chacun·e, nous avons demandé quels enseignements ils / elles tiraient de leur parcours au greenlab.
Et ces témoignages sont vraiment éclairants quant aux bénéfices qu’ils en ont tirés pour faire grandir leurs projets.

Ainsi, pour Marilys (Scobee) :

« Pour moi, ça a vraiment été un tournant. Parce qu’en fait, je suis arrivée au greenlab simplement avec mon projet de fin d’études. J’étais diplômée en septembre, j’ai déposé un brevet à ce moment-là. Et puis je me suis dit : ‘ Tiens, qu’est-ce que va devenir ce projet ?
Et comme j’étais la seule à pouvoir le développer à ce stade-ci, je me suis attelée à l’exercice entrepreneurial qui n’est pas du tout ma formation de base.

Donc voilà, c’était vraiment sortir de ma zone de confort, aller voir les gens, demander des avis, faire beaucoup de pitchs.
Avec le greenlab, j’ai énormément appris à ce niveau-là.

Je sais que je pourrais maintenant créer mon entreprise même si je préfère y réfléchir encore un peu pour que ça devienne vraiment quelque chose de pérenne dans le temps ».


Quant à Arthur et ses associés de Decarbone, ce qu’ils en retiennent, c’est la qualité du cadre de travail.
C’est bien ça, Arthur ?

« Exactement. Le greenlab, c’est une sacrée cadence, mine de rien. Ça donne du rythme au projet, une vraie petite pression pour avancer au fur et à mesure et de façon cohérente.
Nous, on avait la graine du projet, quasiment le prototype, donc pour nous, c’était vraiment l’occasion de repenser le projet à partir de ce prototype et dans toutes ses étapes : le business plan, les calculs de coûts, les ambitions, le plan financier, etc.
Et ça nous a donné des résultats très, très concrets. Cette participation au greenlab a été vraiment très fructueuse pour nous ».

Et pour vous les points forts de cet accompagnement, c’était quoi ?
« Eh bien moi, je dirais l’agilité, la flexibilité et la bienveillance. On a été suivis par un coach qui était vraiment disponible pour toutes nos questions, y compris celles qui sortaient clairement du cadre.
Et là, ce qu’il nous a donné, c’est la réflexivité afin qu’on puisse trouver les réponses en nous ».

« C’est vraiment une question d’agilité et aussi de perspicacité, donner envie aux gens d’aller au-delà des problèmes, au-delà des challenges ».

Arthur de Decarbone

« Parce que quand on est face à un mur et qu’en fait il y a mille et une solutions, il faut parfois juste ouvrir les yeux. C’est un accompagnement complet, pas juste technique, vraiment complet à tous points de vue. Et ça, c’est vraiment super ! ».


Et toi, Agnieszka, tu en retiendras quoi du greenlab pour ton projet PyroLoop ?

« Surtout qu’il faut toujours essayer de vendre le projet, vendre son produit partout à chaque occasion.
Mais plus sérieusement, ce que je retiens avant tout, c’est cet esprit de communauté qu’il y a chez greenlab. Le fait de pouvoir travailler avec le groupe, des gens qui sont dans le même esprit entrepreneurial, j’ai trouvé ça vraiment très chouette.
Et puis, ce qu’il y a de bien aussi c’est que les cours sont très pratiques et très appliqués. Moi, je suis économiste de base mais tout ce que je savais était très théorique. Et là, avec les formations, le coaching et les ateliers, on est complètement dans le concret et dans le pratique.
Enfin, il y a le côté réseau qui m’a plu, tous ces contacts, ces gens qu’on rencontre. Ça aussi, c’est super important ».

Session de travail au greenlab

Et maintenant

Le greenlab, ce n’est, bien sûr, qu’une étape, une étape importante et souvent fondatrice certes mais, derrière, il y a encore souvent du chemin à parcourir pour finaliser son projet.
Et, curieux que nous sommes, nous avons demandé à nos trois lauréats comment ils abordaient leur avenir.

Pour Arthur et ses deux comparses de Decarbone, la voie à suivre maintenant semble assez claire.

« D’abord, on veut profiter de cette réussite avec le greenlab pour continuer à nous faire connaître et passer à l’étape suivante du projet, c’est-à-dire la réalisation d’une version finale et commercialisable du kit de conversion, le système qui permettra de changer facilement de motorisation vers l’électrique. Cela se fera grâce à une levée de fonds prévue cette année.

Et puis aussi, on doit travailler avec les politiques pour faire évoluer le cadre légal qui, aujourd’hui, n’est pas encore tout à fait favorable pour cette conversion.
C’est vraiment un tournant radical pour nous qui venons d’une grande entreprise plutôt traditionnelle. Et cette levée de fonds, justement, nous permettra de passer pour certains à temps plein et se lancer à fond dans cette aventure. Ce qu’on veut, c’est avoir vraiment un impact sur la société et l’environnement ».

Remplacement d’une motorisation classique par un moteur électrique.
Photo : Decarbone

Belles ambitions, n’est-ce pas ?
L’alchimie subtile de l’engagement écologique, de l’ingénierie créative et de l’entreprenariat durable.
Et, fondamentalement, c’est avec ce genre de projets qu’on va vraiment changer les choses.


Et pour toi, Agnieszka, l’avenir se présente comment ?

« Eh bien, pour nous, ça va prendre du temps pour lancer la commercialisation. On va commencer les phases de tests pour obtenir la certification de l’Union européenne pour le produit. On espère aussi clôturer la phase de financement pour cette étape bientôt, mais c’est toujours à confirmer. On aurait aimé aller plus vite mais c’est un process qui prend quand même quelques mois.

Donc j’espère qu’on pourra vraiment démarrer l’année prochaine, mais il faut également lever des fonds pour la suite. Pour l’instant, je suis indépendante complémentaire, je continue à travailler sur le côté.
Mais si on veut vraiment sérieusement démarrer, je pense qu’on va quand même devoir créer une société à partir de l’année prochaine ».
Ça devient vraiment sérieux tout ça. C’est bien.


Et pour Scobee, Marilys, comment tu voies la suite ?

« Eh bien, je ne te cache pas que c’est encore un peu flou pour moi. J’ai l’impression d’être au début d’un nouveau cycle en fait, aussi bien d’ailleurs dans ma vie professionnelle que personnelle. Je suis assez confiante et motivée pour la suite mais j’ai vraiment envie de réfléchir à la place que Scobee va prendre dans mes projets.

Une feuille du matériau 100 % organique créé par Scobee.

Le fait est que je suis aussi très intéressée par tout ce qui touche au design collaboratif social et écologique. Et ici à Bruxelles, il y a des très chouettes initiatives dans ce domaine. Du design avec les utilisateurs à Bruxelles, dans les communautés, dans les communes. Donc voilà, je réfléchis ».

Que de projets, que d’idées et d’ambitions.
Et quelle richesse pour Bruxelles !
On a hâte de connaître la suite, évidemment.


Leurs petits mots à vous

A chacun d’eux, comme dans la plupart des rencontres que nous faisons pour Lively, nous avons demandé un petit mot à votre attention, chères lectrices et chers lecteurs de notre magazine.
Attention, ça vient du cœur.

Marilys Tran (Scobee) :

Marilys Tran, créatrice de Scobee
Source Photo : Fondation pour les Générations futures

« Moi, j’ai vraiment envie de parler du message profond de tout ce qu’on fait. On fait face aujourd’hui à des problématiques majeures sur le plan environnemental à l’échelle planétaire.
Si on parle du plastique, on parle du réchauffement climatique, on parle de la biodiversité. Et j’ai un peu l’impression qu’on est face à un mur et on peut se perdre là-dedans, paniquer et stresser.

Du coup, c’est important de se dire qu’on peut tous faire quelque chose à notre échelle et travailler ensemble pour trouver des solutions. Et même si ce n’est qu’à échelle locale, c’est déjà tout gagné en fait.
Moi, en tant que jeune aujourd’hui, c’est vrai que l’avenir me fait peur des fois, mais je crois que si tout le monde fait quelque chose à l’échelle locale, il y aura vraiment une synergie de mouvement qui sera assez dingue. C’est donc vraiment un message d’espoir que je veux adresser à tous ».


Agnieszka (PyroLoop) :

« Personnellement, je me sens un peu trop petite pour délivrer des grands messages, mais bon, je pense que ce qui est quand même important c’est de se dire qu’avant quand on regardait les déchets, on les voyait comme des choses sans valeur, en oubliant que ça peut être vraiment des ressources très précieuses ».

Agnieszka Kazimierczuk et à son projet PyroLoop

« Notre objectif aussi, avec PyroLoop, c’est de challenger les discours sur les déchets moins appréciés du monde probablement et, plus globalement, de changer nos perspectives sur ces déchets qui sont vraiment nos ressources de demain. 

Parce que dans le cadre du challenge global liée au changement climatique, on ne peut plus se permettre de gâcher les ressources et de ne pas valoriser nos déchets.
Et je crois qu’il faudrait également encore plus de soutien de la part des pouvoirs publics pour réaliser la transition vers l’économie circulaire et aider les acteurs du secteur ».


Arthur (Decarbone) :

« Nous, on voudrait dire à tous ceux qui sont tentés par l’aventure qu’il faut oser prendre des risques, parce qu’on va se poser mille et une questions auxquelles on n’a pas toutes les réponses.
On nous apprend toujours à penser avant d’agir et c’est vrai que c’est important mais parfois, il faut le faire. Si on n’a pas de réponses à toutes les questions, ces réponses viendront en cours de route. Il faut oser prendre des risques et avancer avec certaines incertitudes.
En plus, c’est le genre de défis qui vous donne vraiment envie de vivre à fond parce que finalement ce risque, il se retrouve partout.
Et, en fin de compte, prendre ces risques, en fait, c’est vraiment réjouissant, je trouve ».

L’équipe de Decarbone et son prototype de véhicule à motorisation électrique.

Et voilà. Soyez à l’écoute de ces paroles parce qu’en fin de compte, c’est la jeunesse créative bruxelloise qui nous parle.
Celle qui, pour nous et nos enfants relève aujourd’hui les défis de demain.

Bravo et merci, Agnieszka, Marilys et Arthur !


Cet article a été réalisé en partenariat avec hub.brussels, l’agence bruxelloise des entreprises.


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