La Transition expliquée à ma mère

La Grande Transition, ce n’est plus un projet, un programme politique ou un slogan, c’est une exigence.
Et c’est maintenant.

Le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat) est on ne peut plus clair : la crise climatique est sur nous et elle va affecter en profondeur notre vie à tous dans les toutes prochaines années.
Et ce n’est pas qu’au Bengladesh, au Niger ou en Bolivie.

C’est ici et maintenant.

OK mais on parle de quoi ?
En quoi ça nous concerne ?

Les scénarios et les projections sont nombreux mais quels qu’ils soient, ce qui se dessine, ce sont des conditions climatiques extrêmes (dômes de chaleur, pluies diluviennes, inondations, etc.), des mouvements de population qui risquent de provoquer le chaos dans de nombreuses régions du monde (et des millions de réfugiés climatiques aux portes de l’Europe), des forêts en flammes sur tous les continents, des régions côtières sous les eaux (y compris chez nous), des flux d’échanges qui vont se réduire (avec en conséquence des hausses de prix pour de nombreux produits) et une biodiversité à l’agonie.

Et non, ce n’est pas de la science-fiction.
Et, n’en déplaise à certains, ce n’est pas non plus un discours catastrophiste.

C’est de la science.
Ni plus, ni moins que de la science.
Demandez donc aux gens d’Ottawa au Canada, de Pepinster en province de Liège, d’Erftstadt en Allemagne ou d’Athènes en Grèce…

La Transition est notre réponse

A ce stade, il y a trois réponses possibles :

  1. On n’y croit pas ou on s’en fout.
  2. On y croit mais on pense qu’on ne peut (veut) rien y faire et que c’est la fin du monde.
  3. On y croit et on veut essayer de faire quelque chose.

A ceux qui ont coché la première réponse, il n’y a pas grand-chose à dire.
Continuez à rouler en 4×4 Diesel, à prendre l’avion cinq fois par an et à penser comme des supporters de Donald Trump.

A ceux qui ont coché la deuxième réponse : Nous les comprenons mais le défaitisme et l’abandon ne sont pas des réponses acceptables.
Nous avons une responsabilité vis-à-vis des jeunes générations et, plus globalement, de toutes les espèces vivantes.
Pensons comme des résistants courageux, pas comme des collaborateurs soumis et apathiques.

A ceux qui ont coché la troisième réponse. Nous tous, j’espère.
La Grande Transition est la réponse.

Elle consiste schématiquement à changer notre système de vie pour anticiper et atténuer les conséquences écologiques, sociales et économiques de cette tempête qui nous arrive dessus.

Nous aussi, nous sommes avec Elle.
Marche pour le Climat – Washington 2017 – Source : Wikipédia

OK. Mais quand on a dit ça, on a tout dit et on a rien dit.
Certes.
Du coup, on a demandé à ceux dont la transition est le métier.
En substance, à Florent Losson qui, au sein de l’ASBL Groupe One, anime des ateliers et formations sur ce vaste sujet qu’est la Grande Transition.


Avant toutes choses, c’est nous

Il y a un réel socle théorique à la Transition, dont Rob Hopkins, un universitaire et enseignant britannique est l’un des principaux porte-paroles.
Formateur en permaculture, initiateur du Mouvement international des villes en transition, il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur ce sujet,  dont The Transition Handbook (2008), The Transition Companion (2011), The Power of Just Doing Stuff (2013) et 21 Stories of Transition (2015).

Rob Hopkins, l’un des théoriciens majeurs de la transition.
Source : Robhopkins.net

Ce que ces penseurs, expérimentateurs et pionniers nous enseignent, c’est tout d’abord que la transition, c’est avant tout un mouvement populaire.

C’est nous, nos efforts et nos expériences.

« La transition, ce n’est pas un projet politique, ça vient du bas vers le haut, c’est l’ensemble des actions citoyennes et des projets menés par les populations, des réseaux d’initiatives ».

Florent Losson – Groupe One

En deux mots, pas la peine d’attendre que les politiques ou les grandes industries fassent le boulot.
La transition, c’est nous, chacun à sa mesure et dans ses capacités.

Foyer par foyer, quartier par quartier, ville par ville.

La Grande Transition, c’est nous tous.
Sans exception.

Militants à Londres – Source : Stefan Müller (climate stuff)

Quant aux politiques et aux acteurs économiques, la plupart savent ce qu’ils devraient faire et pour les autres, à nous de faire pression sur eux dans le cadre de cette dynamique populaire.


En finir avec la domination

Le deuxième point qui caractérise la Transition et les conditions de sa mise en œuvre, c’est la remise en cause du système actuel dominant.
De quoi parle-t-on ?

C’est évidement complexe à appréhender dans la mesure où on est en plein dedans. On nous a éduqués à penser comme ça.

Mais le fait est que nous vivons et travaillons dans un système culturel qui est encore très largement bâti sur les notions de domination et de compétition.

Nous dominons la nature et ses ressources nous appartiennent.
Nous sommes blancs et judéo-chrétiens et nous avons raison sur tout.
Nous devons prendre des parts de marché pour gagner plus d’argent et posséder plus de choses.
Le succès se mesure à l’argent qu’on gagne et à la place élevée qu’on occupe dans la pyramide sociale.
Les garçons sont plus combatifs que les filles.
Le papa est le chef de famille et c’est lui qui ramène l’argent à la maison.

Une image du système patriarcal capitaliste.
Source : Fast’n’Curious

Voilà. Lorsqu’on parle du système patriarcal dominant, on parle de cela.

Et avancer dans la transition implique de dépasser tout cela, de le remettre en cause, de considérer que la solidarité et l’humanité sont plus importants que le succès et la réussite, qu’une vie consacrée aux autres et à la préservation de la nature est plus positive et riche qu’une position sociale élevée.

Pas facile, n’est-ce pas, de penser comme ça ?
Non, effectivement, mais là, aussi, c’est l’une des étapes essentielles à atteindre pour s’engager vraiment sur la voie de la transition.


Systémique & symbiotique

Par ailleurs, ainsi que Florent nous l’a expliqué, il y a deux autres paramètres qui doivent permettre de réaliser cette transition, le fait qu’elle doit être systémique et symbiotique.

Non, ne partez-pas !
Ce n’est pas du jargon d’experts qui ne veut rien dire.
C’est très concret, au contraire.

Systémique, cela signifie que la problématique de la transition doit être prise en compte dans son ensemble.
On ne peut pas dissocier l’environnement de l’économie ou la solidarité de la gestion des ressources.
Tous ces paramètres doivent être considérés ensemble.

« La pensée systémique, c’est le fait de prendre en compte l’intégralité des systèmes, du système humain comme du système animal, et plus globalement, de tout ce qui nous entoure.

L’idée, c’est vraiment d’imaginer et de développer notre système de production et de consommation dans son intégralité en prenant en considération le vivant dans son ensemble, l’économie mais aussi les arts, la culture, etc.

et la transition, c’est aussi le respect des minorités, de toutes les minorités ».

Florent Losson – Groupe One

Quant à la dimension symbiotique, elle est aussi très concrète en réalité.
L’idée, ainsi que nous l’a expliqué Florent, c’est de construire notre fonctionnement sur la base d’échanges avec les autres composantes de notre environnement proche, notamment ici dans notre activité productive.

C’est bien ça, Florent ?

« Effectivement, on ne peut plus rester chacun dans son coin.
C’est fondamental.
Nous devons faire en sorte de développer de vrais écosystèmes locaux d’échanges de matières premières et de flux mais aussi de savoirs et d’informations, de mettre en commun un maximum de choses et de systématiquement chercher ces collaborations qui vont générer de la valeur ajoutée économique mais aussi sociale et environnementale ».

Symbiotiques. Comme le buffle et le Piquebœuf à bec rouge.
C’est dans notre Nature.

Et c’est vrai que ce n’est pas facile.
Parce que cela implique d’identifier ces partenaires possibles, de leur parler, de travailler ensemble à ces flux partagés et de construire les modalités de cette collaboration.

Et le système actuel ne nous a pas habitué·e·s à cela.

D’où l’importance de s’informer, de suivre les idées inspirantes, de s’intéresser aux nouveaux modèles et de s’ouvrir aux autres.
Non, ce n’est pas facile.
Mais c’est indispensable.


La circularité, pilier de la Grande Transition

On l’aura compris, la Transition doit se construire en réaction positive au modèle capitaliste traditionnel dominant (et dominateur).

Et l’économie linéaire qui consiste à prélever des ressources naturelles pour en faire des produits qui finiront sous forme de déchets est l’une des expressions de ce modèle dominant qui a été mis en place tout au long du XXe siècle.
Le fait est que piller la nature pour finir par la recouvrir de déchets sans considération pour le vivant, c’est effectivement une expression claire de ce modèle dominant qui ne respecte presque rien.

Et, dès lors, l’économie circulaire en ce qu’elle a de plus vertueux devient vraiment l’une des manifestations les plus concrètes de la Grande Transition.
Et cette dynamique circulaire se lie profondément aux dimensions symbiotiques et locales qui définissent aussi la transition.

Le modèle idéal ressemblerait donc à une économie locale où des flux de production de chaque acteur de l’écosystème se nourrit des ressources non-utilisées par les autres.

Local, symbiotique et circulaire.

Cela me semble assez clair.
Photo : PXHere

« L’idée, c’est bien d’investir vraiment dans le local en commençant par regarder ce qu’on a autour de soi pour développer des échanges de flux aussi avec les entreprises proches ».

Florent Losson – Groupe One

« On a l’échange de flux, l’échange de déchets, l’échange de matière première, etc.
Avec comme ligne de conduite de toujours imaginer de nouvelles externalités, de nouvelles opportunités, de toujours innover.

Un très bon exemple, c’est bien sûr la société PermaFungi qui récupère du marc de café dans les entreprises pour produire des champignons.
Et, dans leur recherche constante d’innovation, ils se sont demandé ce qu’ils pouvaient faire de leurs déchets de champignons.
Et maintenant, ils les utilisent pour créer des objets de design, des lampes, par exemple.
C’est ça qui est très intéressant, c’est qu’à chaque stade de leurs projets, ils ont réfléchi à comment exploiter leurs externalités ».

La recherche en biodesign de Permafungi pour créer à partir de déchets de déchets.
A voir ici.

Bruxelles, la transition en action

Bruxelles, comme nombre d’autres villes européennes (et sans doute plus encore) est déjà engagée sur la voie de la transition.
Qu’il s’agisse des orientations fixées par le gouvernement bruxellois, du Plan régional d’Economie Circulaire ou de la multitude d’initiatives qui se mettent en place, Bruxelles est déjà en mouvement.

Suffisamment ?

Peut-être pas, compte tenu des niveaux d’urgence, mais le fait est que le cap est fixé et que les courants sont plutôt favorables.
La dynamique populaire, endogène et citoyenne est en route et chaque jour, autour de nous, des projets créatifs et innovants se multiplient.

« La transition, elle est effectivement en route à Bruxelles, c’est une évidence.
A travers toute une série de projets et aussi grâce aux institutions qui prennent vraiment conscience de ces enjeux depuis quelques années déjà. On le ressent vraiment très fortement dans tous les projets qu’on accompagne ».

Florent Losson – Groupe One

La relance par la transition

Mais est-ce que la transition, cette nouvelle manière de penser et d’agir, permet de contribuer à la relance de l’économie bruxelloise ?

La réponse est oui, évidemment.

Parce que, fondamentalement, cette relance par la transition repose sur le niveau de mobilisation et d’investissement des ressources bruxelloises sur des axes économiques et sociaux qui répondent à cette tentative de définition de la transition.

Citoyen, local, symbiotique et circulaire.

Oui, c’est bien ce qui se dessine autour de nous, cette myriades de projets qui mêlent entreprenariat, créativité et solidarité.

Et derrière cela, il y a les orientations données par les autorités publiques qui ont, de fait, une vraie responsabilité eu égard aux choix qu’elles font en termes d’investissement et de soutien.

Refinancer les compagnies aériennes ou plutôt le secteur de la construction durable ?
C’est évidemment ce type de décisions qui peuvent ou non soutenir l’indispensable processus de transition.

Cela étant, le fait est que nous avons une chance à Bruxelles, celle d’avoir un gouvernement qui a une vraie vision dans le domaine. Celle-ci ne remplacera jamais l’engouement citoyen et populaire mais elle contribue très clairement à créer un terreau fertile pour toutes ces belles initiatives.


Finalement, la transition c’est dans la tête

Ce qui se détache de tout cela, c’est que la Grande Transition, au-delà des réformes et des choix politiques, c’est une question de changement de mentalité.

En finir avec ce modèle capitaliste dominant qui est encore très présent dans nos manières de penser.
Réfléchir. Remettre en cause des évidences.
Sortir de sa zone de confort.

Et le fait est que ce n’est pas facile. C’est stressant, même.

Remettre en cause son besoin de propriété.
Aller vers les autres.
Echanger plutôt qu’acheter.
Changer de boulot si on n’est pas satisfait du sien.
Entreprendre dans le durable.
Ne plus acheter n’importe quoi. Donner du sens à sa vie. 

S’efforcer de faire partie de la solution, pas du problème.

Tu voies, maman, c’est ça en fait la Grande Transition.

Et c’est ça que nous devons faire maintenant.

La jeunesse est la première concernée.
Climate Strike Glasgow – Source
Ecoutons-les.
Peoples Climate March – Source
Il est plus que temps d’agir.
Extinction Rebellion – Londres – 26 août 2021 – Source
Greta Thunberg
Porte-voix du mouvement mondial pour le Climat
Nous, on adhère.
Source : Wikipédia

Photo A la Une : Marche pour le Climat – Paris 2018 – Source : 350.org


Cet article a été réalisé en partenariat avec hub.brussels, l’agence bruxelloise des entreprises.


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